PARTIE 1 : LA GARDE D'ORED
Le prince du royaume de Thurian, Ored, était un homme respecté : à la fois juste et dégageant sagesse, grandeur, fierté, ardeur et sévérité. Personne ne doutait de ses capacités à gouverner lorsqu’il devrait succéder à son père à la tête du royaume. En attendant ce moment solennel où il devrait enfiler la couronne d’or blanc, Ored prenait des dispositions qui préparaient son futur règne et qui donneraient à son peuple une idée de la manière dont il comptait s’occuper de certains aspects de la gérance de son royaume. Outre ses nombreuses incursions dans la vie politique de Thurian et ses interventions dans les rues mêmes de Bale, la capitale, il cherchait à former une petite élite de guerriers afin de mener des missions importantes et dangereuses sur son territoire souvent sujet à d’étranges phénomènes.
Cette petite Garde du Royaume devait pouvoir se déplacer rapidement, être composée de suffisamment peu de personnes pour passer inaperçue lors de ses enquêtes, mais posséder la puissance d’une armée pour pouvoir se battre contre les ennemis de Thurian. Ils devaient être à la fois des espions et des soldats, mais aussi des hommes à la puissance inégalée et ayant une morale irréprochable. Ils devaient pouvoir compter les uns sur les autres, toute volonté de profit ou de trahison absente de leurs esprits. Ils ne devaient être guidés que par l’instinct de protéger le faible et de combattre pour les plus démunis. Les habitants devaient pouvoir se dire « La Garde d’Ored nous protège », où qu’ils soient et peu importe le danger.
Ainsi, durant des mois Ored avait balayé son territoire avec un œil attentif, guettant tout acte susceptible de pouvoir correspondre à l’idéal qu’il recherchait. Il avait, avec son ami le plus proche, Ax, sillonné les moindres recoins de Bale, et, quand il le pouvait, ils entreprenaient des excursions dans les villages alentours. Ils avaient étudié précautionneusement chaque personne qu’ils croisaient, du plus petit voleur au plus fortuné Archiduc, cherchant à voir au-delà des apparences et des pouvoirs que conféraient une bourse bien pleine, pour trouver ceux qui ne fuiraient pas devant l’inconnu, qui n’hésiteraient pas à se sacrifier pour ce qui est juste, qui supporteraient les souffrances physiques mais aussi morales, mais qui ne savaient peut-être pas qu’ils possédaient ces qualités qu’Ored jugeaient comme étant plus précieuses que l’or.
Finalement, la Garde d’Ored ne fut composée que de quatre personnes :
Ax, la personne sur qui il pouvait le plus compter, son ami d’enfance qui avait réussi à contrôler un art secret qui avait été perdu des siècles plus tôt : il avait découvert, grâce à d’anciens parchemins trouvés dans un vieux sanctuaire, comment maîtriser le sabre avec une perfection inégalable. Le jeune homme aux cheveux blonds racontait qu’un maître ayant élu domicile dans le sanctuaire lui avait appris cet art durant des années à raison d’un entraînement spécifique particulièrement éprouvant, mais personne n’avait jamais vu cet homme. Le mystère restait donc entier sur la manière dont Ax avait acquis ces capacités effrayantes. Il demeurait néanmoins un atout considérable pour le groupe, étant la gaieté blagueuse, l’habileté et l’innocence naïve de la Garde.
Dul, quant à lui, incarnait la force brute et l’indélicatesse bourrue du quatuor. Ax disait qu’il avait la carrure et l’allure d’un bûcheron qui avait été mâché par un troll puis recraché : en somme, Ax arguait que c’était la personne la plus laide qu’il lui ait jamais été donné de voir. Mais Dul s’en contentait très bien et ne se laissait pas atteindre par les moqueries, préférant boire et balancer son poing à la figure de qui n’avait pas sa langue dans sa poche : la moindre injustice le faisait entrer dans une colère noire. Ored avait remarqué cette dernière tendance qui guidait son caractère impulsif. La plupart des gens disait seulement que c’était un homme violent, un bagarreur sans vergogne qui ne se liait à personne et qui acceptait seulement des petits boulots par-ci par-là, avec une place réservée dans la plupart des tavernes de la ville. Ored l’avait donc enrôlé afin de canaliser cette rage et de l’utiliser dans un but qui servirait à la population de Thurian, voyant également en lui quelqu’un dont le fond n’était pas aussi noir que ce que les gens laissaient entendre. Le grand homme avait accepté, mais seulement parce que ce boulot payait et améliorait son statut, passant de simple roturier à homme de main du Prince. Mais trop de sang avait sali ses mains calleuses et il ne se sentait pas un fond aussi bon que ce que le Prince lui présentait. Il suivait donc le groupe, apportant son aide sans vraiment y croire, restant pour lui le briseur de nuque qu’il avait toujours été.
Areda était le troisième membre, un homme aux origines mystérieuses qui avait réussi à frapper la curiosité d’Ored. Il était d’apparence bien plus dangereuse que Dul, se déplaçant avec l’agilité et la précision d’un prédateur. Mais si le Prince était le chef de la Garde, Areda en était le bras droit : lorsqu’Ored n’était pas présent ou qu’ils étaient en mission, Areda se voyait octroyer les mêmes pouvoirs que le Prince. Lorsqu’il avait été enrôlé, beaucoup de protestations fusèrent : personne ne savait d’où il venait et il dissimulait son visage constamment avec comme objectif de cacher ses origines et de maintenir un maximum de discrétion. Il ne parlait que si la nécessité l’y obligeait. Ainsi, les seules personnes qui le connaissaient vraiment étaient les membres de la Garde et le Prince ; les autres le craignaient, et le respectaient, car Ored l’avait choisi.
Le quatrième membre était donc le prince lui-même, qui menait le groupe d’une main de fer. Il envoyait la Garde là où des soldats ou des espions ordinaires échouaient pour des raisons multiples : dans des missions qui les dépassaient physiquement et psychologiquement. Jusqu’à présent il n’eut pas besoin d’accompagner la Garde dans ses missions : Areda les guidait avec intelligence et rigueur et toute mission était remplie avec succès. Mais le fléau qui allait toucher le Royaume de Thurian nécessitait la présence de tous les membres de la Garde.
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