Le Monde de Karis

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Le Mystère d'Anak'enpa [par Eska]

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Le Conteur

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PARTIE 1 : LA GARDE D'ORED


Le prince du royaume de Thurian, Ored, était un homme respecté : à la fois juste et dégageant sagesse, grandeur, fierté, ardeur et sévérité. Personne ne doutait de ses capacités à gouverner lorsqu’il devrait succéder à son père à la tête du royaume. En attendant ce moment solennel où il devrait enfiler la couronne d’or blanc, Ored prenait des dispositions qui préparaient son futur règne et qui donneraient à son peuple une idée de la manière dont il comptait s’occuper de certains aspects de la gérance de son royaume. Outre ses nombreuses incursions dans la vie politique de Thurian et ses interventions dans les rues mêmes de Bale, la capitale, il cherchait à former une petite élite de guerriers afin de mener des missions importantes et dangereuses sur son territoire souvent sujet à d’étranges phénomènes.

Cette petite Garde du Royaume devait pouvoir se déplacer rapidement, être composée de suffisamment peu de personnes pour passer inaperçue lors de ses enquêtes, mais posséder la puissance d’une armée pour pouvoir se battre contre les ennemis de Thurian. Ils devaient être à la fois des espions et des soldats, mais aussi des hommes à la puissance inégalée et ayant une morale irréprochable. Ils devaient pouvoir compter les uns sur les autres, toute volonté de profit ou de trahison absente de leurs esprits. Ils ne devaient être guidés que par l’instinct de protéger le faible  et de combattre pour les plus démunis. Les habitants devaient pouvoir se dire « La Garde d’Ored nous protège », où qu’ils soient et peu importe le danger.

Ainsi, durant des mois Ored avait balayé son territoire avec un œil attentif, guettant tout acte susceptible de pouvoir correspondre à l’idéal qu’il recherchait. Il avait, avec son ami le plus proche, Ax, sillonné les moindres recoins de Bale, et, quand il le pouvait, ils entreprenaient des excursions dans les villages alentours. Ils avaient étudié précautionneusement chaque personne qu’ils croisaient, du plus petit voleur au plus fortuné Archiduc, cherchant à voir au-delà des apparences et des pouvoirs que conféraient une bourse bien pleine, pour trouver ceux qui ne fuiraient pas devant l’inconnu, qui n’hésiteraient pas à se sacrifier pour ce qui est juste, qui supporteraient les souffrances physiques mais aussi morales, mais qui ne savaient peut-être pas qu’ils possédaient ces qualités qu’Ored jugeaient comme étant plus précieuses que l’or.

Finalement, la Garde d’Ored ne fut composée que de quatre personnes :
Ax, la personne sur qui il pouvait le plus compter, son ami d’enfance qui avait réussi à contrôler un art secret qui avait été perdu des siècles plus tôt : il avait découvert, grâce à d’anciens parchemins trouvés dans un vieux sanctuaire, comment maîtriser le sabre avec une perfection inégalable. Le jeune homme aux cheveux blonds racontait qu’un maître ayant élu domicile dans le sanctuaire lui avait appris cet art durant des années à raison d’un entraînement spécifique particulièrement éprouvant, mais personne n’avait jamais vu cet homme. Le mystère restait donc entier sur la manière dont Ax avait acquis ces capacités effrayantes. Il demeurait néanmoins un atout considérable pour le groupe, étant la gaieté blagueuse, l’habileté et l’innocence naïve de la Garde.

Dul, quant à lui, incarnait la force brute et l’indélicatesse bourrue du quatuor. Ax disait qu’il avait la carrure et l’allure d’un bûcheron qui avait été mâché par un troll puis recraché : en somme, Ax arguait que c’était la personne la plus laide qu’il lui ait jamais été donné de voir. Mais Dul s’en contentait très bien et ne se laissait pas atteindre par les moqueries, préférant boire et balancer son poing à la figure de qui n’avait pas sa langue dans sa poche : la moindre injustice le faisait entrer dans une colère noire. Ored avait remarqué cette dernière tendance qui guidait son caractère impulsif. La plupart des gens disait seulement que c’était un homme violent, un bagarreur sans vergogne qui ne se liait à personne et qui acceptait seulement des petits boulots par-ci par-là, avec une place réservée dans la plupart des tavernes de la ville. Ored l’avait donc enrôlé afin de canaliser cette rage et de l’utiliser dans un but qui servirait à la population de Thurian, voyant également en lui quelqu’un dont le fond n’était pas aussi noir que ce que les gens laissaient entendre. Le grand homme avait accepté, mais seulement parce que ce boulot payait et améliorait son statut, passant de simple roturier à homme de main du Prince. Mais trop de sang avait sali ses mains calleuses et il ne se sentait pas un fond aussi bon que ce que le Prince lui présentait. Il suivait donc le groupe, apportant son aide sans vraiment y croire, restant pour lui le briseur de nuque qu’il avait toujours été.

Areda était le troisième membre, un homme aux origines mystérieuses qui avait réussi à frapper la curiosité d’Ored. Il était d’apparence bien plus dangereuse que Dul, se déplaçant avec l’agilité et la précision d’un prédateur. Mais si le Prince était le chef de la Garde, Areda en était le bras droit : lorsqu’Ored n’était pas présent ou qu’ils étaient en mission, Areda se voyait octroyer les mêmes pouvoirs que le Prince. Lorsqu’il avait été enrôlé, beaucoup de protestations fusèrent : personne ne savait d’où il venait et il dissimulait son visage constamment avec comme objectif de cacher ses origines et de maintenir un maximum de discrétion. Il ne parlait que si la nécessité l’y obligeait. Ainsi, les seules personnes qui le connaissaient vraiment étaient les membres de la Garde et le Prince ; les autres le craignaient, et le respectaient, car Ored l’avait choisi.

Le quatrième membre était donc le prince lui-même, qui menait le groupe d’une main de fer. Il envoyait la Garde là où des soldats ou des espions ordinaires échouaient pour des raisons multiples : dans des missions qui les dépassaient physiquement et psychologiquement. Jusqu’à présent il n’eut pas besoin d’accompagner la Garde dans ses missions : Areda les guidait avec intelligence et rigueur et toute mission était remplie avec succès. Mais le fléau qui allait toucher le Royaume de Thurian nécessitait la présence de tous les membres de la Garde.



Dernière édition par Le Conteur le Mer 4 Avr - 22:45, édité 2 fois

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PARTIE 2 : LE MYSTERE D'ANAKEN'PA


Le Prince Ored ne souleva qu’un sourcil interrogateur la première fois que l’un de ses envoyés mentionna tout à fait par hasard un phénomène incongru qui s’était déroulé dans la région d’Anak’enpa, un territoire particulièrement pluvieux et boisé qui se trouvait à l’est du royaume et qui s’étendait jusqu’à la frontière de la forêt changeante de Daedelos. L’homme faisait son rapport sur les récoltes particulièrement abondantes de cette année qui posaient des problèmes de gestion, de stockage et de partage. Un conflit particulièrement houleux avait éclaté entre les habitants d’un village qui revendiquait les terres fertiles d’un village qui se trouvait non loin et dont les fermiers avaient quitté les lieux.

Ored avait laissé son envoyé continuer son récit sans laisser transparaitre sa perplexité : des fermiers étaient partis sans prévenir, laissant meubles et cultures en place. En somme, selon la manière dont l’homme racontait les faits, tout était resté tel quel. Même si cela avait pu paraitre étrange à son homme de main, celui-ci se contenta de faire son rapport sans émettre le moindre commentaire concernant ce village, hormis le fait que les autres fermiers alentours voulaient s’approprier les cultures laissées à l’abandon. Sur le coup, le jeune prince décida de passer cette information sous silence et n’en parla à personne, congédiant le soldat une fois qu’il eût fini son rapport.

Il laissa ainsi le temps passer mais envoya un ou deux espions afin de connaitre l’évolution de cette histoire. Au bout de quelques semaines les rapports furent frappants : trois villages étaient à présent déserts, il n’y avait aucune trace des habitants. La peur commençait à gagner les esprits des paysans des villages voisins. Beaucoup disaient que la région était maudite, que c’était le prix à payer pour avoir pu obtenir une si bonne culture –des vies pour compenser la soudaine abondance de nourriture, un bien pour un mal-, certains avaient fui, la plupart envisageaient de partir. Au moment où Ored se décida à convoquer la Garde, un quatrième village s’était retrouvé vidé de ses habitants et les fermes les plus proches avaient été désertées par les paysans qui avaient fui avec tout ce qu’ils pouvaient transporter, de peur de se voir engloutis par la malédiction.

Ored était assis à son bureau dans l’un des petits salons de ses appartements privés. Il n’était éclairé que par un unique foyer qui brûlait derrière lui. Ax était assis nonchalamment sur l’un des deux fauteuils qui faisaient face au bureau, Dul était debout derrière le deuxième, immobile comme une statue, fixant le prince avec un œil sévère. Areda, quant à lui, regardait par la fenêtre, tournant le dos au groupe, l’air toujours aussi impassible. Le prince expliquait en détail tout ce qu’il avait pu récolter comme informations concernant la situation que connaissait la région d’Anak’enpa.

-Rien du tout ? Rien de rien ? répétait Dul réellement surpris.

-Non, tout est resté en ordre et il n’y a plus âme qui vive, comme s’il s’était agi de mirages. Tous ceux qui y restent plus de trois ou quatre jours ne reviennent pas, c’est à cause de cette prise de conscience que les villages alentours ont commencé à se vider. Et c’est bien pour ça que je veux que vous enquêtiez sur ce phénomène : je ne peux pas régner sur un royaume qui n’a plus d’habitants à protéger. La région a déjà perdu une partie importante de sa population et cela ne s’arrêtera pas tant que l’on n’aura pas donner des explications à ce mystère.

Ored fit une pause et regarda intensément les trois –ou plutôt deux- hommes en face de lui. Il se mordait la lèvre inférieure, incertain du choix qu’il devait faire. Finalement, il déclara :

-Mais cette fois je viendrai avec vous.

Areda cessa de fixer la nuit pour jeter un œil en coin surpris à Ored (le tout sans bouger d’un micromètre), Ax lâcha un énorme « Ouf » en sautant sur ses pieds et Dul fronça un peu plus les sourcils, à tel point que l’on discernait ses yeux que très difficilement. Ored ignora les réactions perplexes de ses compagnons qui étaient prédictibles et enchaîna :

- Je ne suis pas certain de la dangerosité de la situation mais une personne de plus ne fera pas de mal, au pire ce sera comme des vacances -j’aimerais que ce soit comme des vacances- et la capitale se passera bien de ma présence quelques semaines.

-Eh bah, les gars ! s’exclama Ax, si le Prince Ored lui-même nous accompagne c’est que la situation est très certainement désespérée !

-Ça te réjouit on dirait, gronda Dul.

Ax allait répliquer mais Ored l’en dissuada d’un coup sec de la main.

-Nous partirons demain à la première heure, tachez d’être prêts. Nous devons élucider cette histoire avant que toute la région ou le royaume entier ne se retrouve désert. Et je ne veux pas attirer l’attention des autres États : ils nous croient déjà faibles, je ne veux pas bafouer plus encore l’image de Thurian avec la pitié de ces hypocrites. Ils ne doivent pas avoir le temps de réagir et nous devons sauver le plus de personnes possible.

Sans un mot de plus il s’éloigna et quitta la pièce d’un air sombre, laissant le trio avec les informations qu’il leur avait données.

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Partie 3 : Les villages abandonnés


Il n’y eut aucun échange entre les membres de la Garde jusqu’au milieu de la journée suivante. Ils s’étaient rassemblés dans la cour sans un mot, avaient suivi Ored à travers Bale et étaient sortis de la ville dans le silence. Il pleuvait ce jour-là : c’était le quotidien des habitants de Thurian et cela ne surprit donc personne. La région d’Anak’enpa se trouvait à plusieurs jours à cheval de Bale. La rumeur sur les villages abandonnés avait atteint la capitale, mais ils durent attendre le sixième jour pour croiser les premières personnes qui s’inquiétaient réellement de ce qui se passait à quelques kilomètres de là. Et pour cause : ils n’étaient qu’à une heure à cheval d’un village dont tous les habitants avaient fuis car il était lui-même bien trop proche des dernières fermes aux paysans volatilisés.

Ored avait décidé de passer un certain temps dans ce village afin de récolter le plus d’informations possibles avant de se diriger vers le nœud du problème : les gens qui avaient voulu piller les fermes ayant disparu au bout de quelques jours, de la même manière que les personnes dont ils convoitaient les biens -laissés à leur place comme si personne n’était parti.

-Mon frère voulait rendre visite à un cordonnier de Queirce il y a maintenant trois semaines, racontait un homme assis sur un banc près de la fontaine de la petite place, il est revenu les bras ballant en disant qu’il n’y avait plus personne là-bas. Il a dit qu’il y avait même des plats en préparation qui étaient restés sur le feu, des outils qui n’étaient pas rangés, encore éparpillés à côtés de travaux entamés, des paniers de linge propre à moitié remplis tandis que le reste continuait de sécher sur les fils d’étendage : la vie quotidienne figée sans les acteurs qui en sont à l’origine -ceux-là ils semblent avoir disparu comme s’ils avaient été des fantômes. Et depuis tout le monde fuit dans communes alentours.

L’homme secouait la tête d’incompréhension.

-Qu’est-ce qui vous fait dire que ces gens n’ont pas quitté les lieux précipitamment à cause d’un autre phénomène ? Peut-être un début d’épidémie qui les aurait poussés à se rendre chez les elfes par exemple ?

-Non, impossible, lorsque vous fuyez précipitamment vous renversez des choses, vous prenez des affaires en en laissant la moitié par terre et vous ne vous embêtez pas à préparer le repas ou à ranger votre linge juste avant.

Ored connaissait déjà la réponse mais il voulait l’entendre de la bouche de quelqu’un d’autre que les membres de la Garde ou sa propre conscience. C’était pour lui comme une preuve que les gens du coin étaient tout de même des personnes sensées et qu’il se tramait bien quelque chose d’étrange dans la région.

Contrarié, Ored chemina entre les habitations, réfléchissant intensément. Il y avait peu de maisons et la plupart étaient communicantes : on avait donc vite fait le tour de Clavet mais Ored continua obstinément sa route, repassant par les mêmes ruelles si cela était nécessaire. Les trois autres le suivirent sans bruit, essayant simplement de relever le plus de détails qui seraient susceptible de leur donner des indices ou simplement de leur servir dans une quelconque situation, quelle ait un lien ou non avec leur mission.

Bientôt ils passèrent devant une petite maison en pierres, qui, celle-ci, était légèrement plus éloignée des autres et par où l’on entrait en traversant un petit jardinet de trois mètres au plus et qui était entouré d’un muret. Un banc en bois était accolé au muret et un jeune homme d’environ dix-sept ans avait posé un pied dessus tandis que son dos reposait sur le muret ; un homme bien plus âgé était assis à côté de lui. Ils semblaient discuter, mais le jeune homme ne semblait pas écouter : il fixait les étrangers avec un regard à la fois interrogateur et plein d’envie. Ored remarqua ce regard quand un autre garçon sortit par la porte du jardinet. Celui-ci était plus jeune, quatorze ans peut-être. Il s’avança vers les deux plus vieux et s’arrêta en voyant le groupe d’inconnus. Le garçon de dix-sept ans nota cette hésitation et se tourna vers Ored.

-Vous êtes des soldats de la capitale ? demanda le plus vieux des deux garçons sans préambule.

Le vieil homme à ses côtés lança un regard mauvais au groupe.

-Comment tu le sais, chuchota l’autre en les regardant d'un air à la fois suspicieux et impressionné.

-L’épingle représentant les trois éclairs dorés accrochée sur leur cœur, répondit le premier, c’est le symbole des soldats de Bale…

-C’est exact, déclara Ored avec un sourire. Nous sommes missionnés par les généraux de Bale.

Il omit cependant de préciser que l’uniforme de véritables soldats était noir et rouge : les leur étaient noir et argenté, plus sobres, moins voyant, mais suffisamment formels pour qu’on les reconnaisse comme des personnes qu’il vaut mieux ne pas taquiner. Et, bien sûr, il cacha sa véritable identité.

-Pourquoi êtes-vous là ? demanda le plus jeune, il n’y a jamais personne qui vient par ici. Et certainement pas en ce moment…

-En fait, nous sommes là exactement à cause de ce qu’il se passe en ce moment, tu vois. Est-ce que vous sauriez quelque chose d’utile ?

Les deux garçons hésitèrent, se regardèrent, haussèrent les épaules et finirent par secouer la tête négativement.

-À part le fait que tout le monde part ou disparaît, nous ne savons rien de plus, répondu le premier en haussant les épaules.

-Vous n’avez pas eu la curiosité d’aller voir ? s’exclama Ored en feignant la surprise.

-Les gens disent que la région est hantée et qu’il vaut mieux ne pas s’aventurer trop loin. Et surtout, plus personne ne veut sortir la nuit. Les gens ont peur, très peur, ils pensent voir des choses. Mais je suis sûr qu’il y a une explication rationnelle et qu’ils sont simplement superstitieux, au point que leur imagination leur joue des tours.

-Intéressant, dit simplement le prince. Est-ce que toi tu nous aiderais, dans ce cas, à donner des explications à ce phénomène ? Tu dois sûrement connaître le coin comme ta poche, non ?

-Mouais on peut dire ça, mais ça ne veut pas dire que j’ai envie d’aller fourrer mon nez dans des histoires qui ne me regardent pas et qui pourraient me coûter la vie.

-Si nous ne faisons rien, ce seront tes histoires autant que celle de toutes les personnes qui vivent dans le royaume de Thurian et que celles qui ont disparu depuis ces dernières semaines. Si tout le monde se volatilise, il n’y a pas de vie, ni pour toi, ni pour personne.

Le jeune homme renifla. Ored sortit de sa poche quatre pièces d’or qu’il lança au garçon.

-Ça c’est parce que tu risques de perdre la vie dans cette aventure, c’est à toi de voir, ajouta-t-il en faisant signe aux autres de le suivre.

Areda, Dul et Ax le suivirent. Ce dernier avait un petit sourire amusé sur les lèvres. Ils ne firent avancer les chevaux que de quelques pas avant que le garçon ne les hélât, leur annonçant qu’il était d’accord pour les suivre. Le vieil homme secouait la tête d’un air désespéré et triste.

-Moi aussi je viens, dit le plus jeune. Et ce n’est pas pour votre argent, vous pouvez le garder. Je ne veux juste pas quitter cet endroit où j’ai vécu toute ma vie, je ne peux pas me résoudre à le voir disparaitre comme tous les autres.

L’autre le regarda avec l’intention de protester.

-Non ! Je sais que c’est dangereux, mais je sais me battre, comme toi, contra-t-il avant de regarder le groupe de soldats. Oncle Gath nous a appris ! Il était soldat à la capitale, comme vous ! Et il était l’un des meilleurs !

-Très bien, répondit Ored avec un large sourire. Alors nous nous verrons demain matin !

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Partie 4 : Vers Corefélonne.


Tous furent à l’heure au petit matin. Les deux frères saluèrent les soldats gravement, avec en tête la perspective d’un voyage difficile et dangereux. Ils quittèrent tout de même le village au galop en s’éloignant toujours plus vers l’est, s’enfonçant dans la région d’Anak’enpa. Ils chevauchèrent plusieurs heures sous une pluie fine à travers des plaines et des bois avant d’atteindre le premier village. Mais il ne s’agissait que de l’un de ceux qui avait été fui par ses habitants. Il n’y avait donc pas grand-chose d’intéressant : toutes les maisons étaient vides, les paysans avaient tout emporté, ne laissant que des murs de bois et des toits de chaume, ainsi des meubles trop encombrant pour être transportés.

Le groupe ne croisa personne, et presque aucun animal ne fit connaître sa présence durant leur trajet. Les bois et les plaines étaient silencieux. Ils bivouaquèrent dans une petite clairière à l’abri des arbres. Assis près du feu, les deux garçons leur expliquèrent qu’ils avaient toujours vécu dans le village. Ils avaient été élevés par le vieil homme qu’ils avaient vu. Il s’agissait de leur oncle, leurs parents étant morts il y a maintenant 14 ans. L’ancien soldat de Bale leur avait appris tout ce qu’ils devaient savoir pour survivre, y compris le maniement des armes même s’ils n’étaient pas des maitres : ils s’en sortaient plutôt bien et pouvaient se défendre mieux que la plupart des Thurianites. Le plus vieux s’appelait Erwan et le plus jeune, son frère, Konna. La soirée se termina ensuite dans une relative bonne humeur au vu de la pression qui pesait sur les épaules du groupe, Ax réussissant toujours à détendre l’atmosphère quelle que puisse être la situation.

Ils repartirent le lendemain et atteignirent un vieux pont en fin de journée. Les deux frères étaient en tête. Ils s’arrêtèrent juste avant de poser un sabot sur la structure de bois.

-C’est au-delà de ce pont, dit Erwan en se retournant sur sa selle. À partir d’ici, il n’y a plus rien.

-C’était déjà le cas depuis que nous avons quitté ton village, répondit Ax avec ironie.

-Vous n’avez rien vu, répliqua le jeune homme tandis que le plus jeune hochait la tête d’approbation. Allez !

Il s’avança avec prudence sur le pont qui geignit terriblement, semblant vouloir céder à chaque pas. Quant au spectacle qui s’offrit à eux sur l’autre rive, il leur glaça le sang. La terre qu’ils avaient laissée derrière eux était verdoyante, et, même s’ils étaient peu, ils pouvaient entendre les milliers d’animaux et insectes, et la nature vivre autour d’eux. La terre qui s’étendait à présent sous leurs yeux était sèche, morte, charbonneuse : plus rien ne semblait y vivre et le silence faisait presque mal aux oreilles. La seule source de bruit était le vent, mais il n’y avait aucune trace des petits animaux qui auraient dû courir sous le couvert des arbres. Tout n’était qu’un dégradé de bruns et de jaunes. La seule couleur ne provenait que du ciel, du soleil et du groupe d’étrangers qui pénétraient dans ce lieu qui leur paraissait effectivement maudit, comme leur avait décrit tous les paysans qu’ils avaient pu croiser.

Ils atteignirent le premier village rapidement. Tout était aussi silencieux que la nature qu’ils venaient de quitter. Mais ce qui frappait, et avait frappé tous ceux qui avaient pu revenir de ce lieu abandonné par la vie, c’était que se déroulait sous leurs yeux cette scène de quotidien qui semblait figée pour toujours, sans les hommes qui devaient la composer et l’animer. Les six hommes ne disaient rien mais tous étaient intérieurement horrifiés et se posaient des centaines de questions sur le comment cela a bien pu arriver. Aucun d’eux n’avait connu ce genre de mission par le passé et ils ne voyaient pas comment ils pourraient résoudre ce mystère effrayant.

Ils décidèrent alors à l’unanimité de quitter ce premier village avec pour objectif de trouver la source du problème : et pour cela, Areda proposa d’aller à l’endroit où tout avait commencé, Corefélonne, la toute première commune qui avait été dépouillée de ses occupants, à l’extrême est d’Anak’enpa, à la limite du royaume de Thurian. Il leur fallut un jour de plus pour l’atteindre et les jeunes garçons commençaient à s’inquiéter : la plupart des gens qui s’étaient aventurer dans cette région avaient disparu au bout de quatre jours. En somme, ils avaient juste le temps de faire demi-tour pour pouvoir sauver leur peau à temps et ils espéraient que le groupe ne s’attarderait pas. Cependant, Ored était déterminé à ne pas quitter l’endroit tant que ce problème pour le moins épineux n’avait pas trouvé de solution.

Lorsqu’ils arrivèrent à Corefélonne, ils furent déçus : à première vue, rien ne distinguait ce village des autres hormis le fait qu’il avait été le premier touché. Ils profitèrent donc de la lumière du jour pour passer les maisons au peigne fin, recherchant le moindre indice, la moindre petite emprunte qui pourrait leur révéler ce qui aurait pu advenir de toutes les âmes qui s’étaient volatilisées comme s’il s’était agi de fantômes. Les deux frères étaient de plus en plus nerveux alors que passaient les heures. Ils ne trouvaient rien et ils allaient certainement mourir…

Mais au moment où Erwan se rapprochait à grand pas d’Ored, un des soldats, qui se trouvait vers le pâté de maison le plus à l’est, eut une exclamation triomphante. Tous les regards se tournèrent de concert vers la source du vacarme qui venait de tuer le silence qui régnait depuis de trop longues heures maintenant.

Ored échangea un regard avec Areda qui était sorti d’une maison non loin. Ils hésitèrent un instant mais l’éclat de voix retentit de nouveau alors que tout le monde se retournait une fois de plus vers les maisons. Les deux soldats s’élancèrent donc à grandes enjambées vers ce qui semblait être la voix de Dul. Erwan les regarda s’éloigner en fulminant et finit par les suivre.
En entrant dans la petite maison qui se situait à la sortie du village, à l’est, ils découvrirent le grand homme au milieu de la pièce, brandissant un objet qui semblait être fait d’une sorte de roche.

-Qu’est-ce que c’est que ça ? Renifla Erwan dubitatif.

-Aucune idée ! s’exclama joyeusement le géant. Mais je sens que cet objet renferme un secret ! Il a aussi des marques particulières qu’il me semble avoir déjà vue…

-Fait voir ces marques, demanda Areda en se saisissant de la roche sans attendre la réponse. C’est normal que tu les as déjà vues : ce sont les mêmes dessins qu’on voit partout sur les colonnes et les gravures du château à Bale, tu les vois tous les jours. En revanche, la pierre elle-même est étrange, je n’en ai jamais vue de cette couleur et de cette texture et on dirait que quelque chose émane d’elle…

-Moi j’ai déjà vu une pierre comme ça, coupa Erwan qui était resté à l’entrée. Elle vient de la forêt changeante, nous ne sommes pas très loin.

-La forêt changeante ? demanda Ax qui apparut derrière le jeune homme. Je ne m’étais pas rendu compte que nous nous en étions rapproché autant mais c’est vrai qu’elle ne devrait pas être à plus d’une heure ou deux à cheval. Et ce ne serait pas absurde que notre problème provienne de cette maudite forêt, vu tout ce qu’on peut entendre à son sujet.

-Ca n’expliquerait pas les marques, fit remarquer Areda.

-Sauf si des gens de Bale sont arrivés jusqu’ici, annonça Ax en souriant.

Areda le regarda avec un air soupçonneux. Dul secoua la tête avec un air désespéré :

-Très bien, commença-t-il, mais ce serait comme chercher une aig… ce n’est même pas comme chercher une aiguille dans une botte de foin parce qu’on ne sait même pas si ce qu’on cherche est bel et bien une aiguille ! Tu te rends bien compte que tu veux t’aventurer dans une forêt qualifiée de « terriblement dangereuse » sans savoir ce que tu cherches exactement ?

-Si, on le sait, répliqua Ax avec un air indigné. On cherche les traces de quelqu’un ayant pour origine Bale et qui aurait potentiellement élu domicile aux abords de la forêt, ou en tout cas qui y a construit quelque chose !

Ored souriait dans son coin de la maison.

-Je pense que, même si c’est une piste plutôt faible, elle vaut le coup d’aller vérifier. De toutes façons nous n’avons rien trouvé de mieux, et cette pierre me préoccupe : elle dégage vraiment une aura particulière. C’est intrigant…

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Partie 5 : L’armée de Bale


Il fut fastidieux d’arriver jusqu’à la lisière de la forêt. En effet, Erwan et Konna manifestèrent leur colère juste après qu’Ored déclarât vouloir se diriger vers la forêt. Les deux garçons avaient peur, et cela était compréhensible : les quatre hommes passèrent donc un long moment à essayer de les convaincre qu’ils ne risquaient rien avec les membres de la Garde à leurs côtés, et que pénétrer dans la forêt était la meilleure solution pour pouvoir résoudre un tant soit peu leur problème épineux. La perspective de devoir quitter Thurian définitivement, voire que le phénomène ne s’étende à tout le continent suffit à convaincre les deux garçons.

Ored avait su voir que les deux frères étaient loin d’être des poules mouillées. Ce qui les empêcherait de devenir membre de la Garde, en revanche, était qu’ils avaient trop grand cœur justement : le courage était bel et bien là, mais la Garde d’Ored restait un groupe de soldats, ainsi il fallait être capable d’ôter la vie au moment où aucun autre choix n’était possible, et le jeune Prince voyait très bien qu’ils en seraient incapables. Cependant, ils demeuraient lucides et savaient qu’ils mourraient très certainement dans les deux situations : ils avaient donc préféré tenter leur chance.

Ils se tenaient à présent à l’entrée d’une forêt sombre et épaisse. Le soleil se levait derrière les hauts arbres mais ses rayons ne semblaient pas pouvoir pénétrer à l’intérieur. Elle paraissait gémir alors que le vent s’engouffrait entre les troncs épais. Il émanait de la forêt de Daedelos le même genre d’aura que celle de la pierre.

-Elle provient bel et bien de ce lieu, souffla Dul.

-En avant, dit simplement Ored en descendant de cheval et en se dirigeant à grands pas vers le couvert des arbres.

Personne ne discuta l’ordre et tout le groupe pénétra ainsi dans la forêt. Celle-ci était difficilement praticable : les troncs étaient énormes et peu d’espace les séparait, rendant le cheminement entre les buissons épineux difficile. Dul dut même parfois emprunter des chemins différents. Ils progressèrent ainsi pendant un long moment, ne sachant pas réellement où aller. Mais ils suivaient les pulsations étranges de la pierre, certains d’être sur la bonne voie.

Au bout de plusieurs heures à trébucher sur les racines et les buissons, ils se retrouvèrent face à une immense paroi rocheuse couverte de lierre épais. Tous sentaient une forme d’énergie particulièrement puissante émaner de la surface rocailleuse. Dul fit mine de vouloir la contourner mais revint bredouille. La paroi formait comme une barrière qui s’étendait sur des centaines de mètre et plus ils s’éloignaient de ce point moins l’énergie était puissante.  C’était à cet endroit qu’ils devaient chercher : mais ils ne savaient toujours pas ce qu’ils devaient trouver, et surtout si ce qu’ils trouveraient ou non serait l’origine de leur problème. Mais ils s’agissaient de leur seule piste. Dul serra les poings :

-Bien ! Il est temps de voir ce qui se cache derrière tout ce vert ! s’écria-t-il en se jetant sur le lierre.

Il tira dessus de toutes ses forces. Quelques branches se détachèrent ou se brisèrent mais l’essentiel resta en place. Les autres se joignirent à lui, certain tranchant et certain tirant. Au bout de plusieurs minutes qui les laissèrent rouges et dégoulinant de sueur, la pierre de dévoila. Ils échappèrent un « ouf » admiratif devant les magnifiques arabesques qui la recouvraient.

-Ce sont bien les mêmes dessins qui recouvrent les colonnes de la salle du trône, souffla Areda, mais en bien plus travaillés…

Ax sortit le fragment qu’ils avaient trouvé dans la maison de Corefélonne. Il examina le mur jusqu’à ce qu’il trouve l’emplacement d’où il avait été extrait. Il l’inséra théâtralement, recula et attendit, les mains sur les hanches. Rien ne se passa.

-Ax ! L’appela Dul en grognant. Ne me dit pas que tu t’attendais à ce qu’il se passe quelque chose, là ?

-Moi ? Mais nan, pas du tout, dit-il avec un immense sourire en retournant vers le groupe. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

-Je suppose que nous cherchons une entrée, un sanctuaire proche, une maison, un mécanisme ou quelque chose comme ça, répondit Ored.

-Quelque chose comme ça, répéta Ax doucement. Très bien.

Ainsi, alors que l’heure des disparitions approchait ils entreprirent de fouiller les moindres recoins aux alentours de la paroi. Les minutes et les heures passèrent, mais ils ne trouvaient rien de concluant. À mesure que le temps passait, ils commençaient à se demander s’ils ne faisaient pas fausse route. Ored, Areda et Dul firent une pause pendant les autres continuaient de chercher ou réaffutaient leur hachette avant de retourner trancher l’épaisse forêt. Ored regardait vers le haut pour essayer de voir le ciel, mais les branches formaient un toit opaque ne pouvant lui donner aucun indice sur l’heure de la journée.

-Quelle heure est-il selon toi, demanda Areda de son ton plat habituel alors qu’il refixait ses poignets de force.

-Impossible à savoir, mais nous approchons de l’heure fatidique. Peut-être est-ce la solution après tout : attendre que le phénomène se manifeste de lui-même.

-Et que faisons-nous si nous ne pouvons le comb…

Le bruit du métal chutant sur la pierre retentit soudain, rompant le silence qui régnait dans la forêt de Daedelos. Areda regarda derrière Ored qui se retourna également.

-Qu’est-ce qui te prend petit ? Cria le premier à Konna, tu as des trous dans les mains ?

Mais Konna, qui avait laissé tomber l’épée qu’il affutait sur le sol de pierre, ne répondit pas. Il marchait en direction de la paroi.

-Petit ? Répéta Areda alors que celui-ci se rapprochait d’eux.

Mais Konna l’ignora et les dépassa, continuant son chemin vers le mur, les yeux éteints, comme hypnotisé. Ored et Areda le regardèrent bouche bée marcher comme un automate le long de la paroi. Dul avait arrêté ce qu’il faisait, tout comme Ax qui était revenu sur ses pas pour voir ce qui provoquait ces bruits. Erwan appelait son frère en gesticulant à côté de lui pour attirer son attention, sans succès. Konna avançait, et tous le suivirent. Au bout de quelques mètres, le jeune garçon se déporta de la paroi pour s’enfoncer à la perpendiculaire à travers les arbres. Il accéléra le pas. Les autres se mirent à trottiner derrière lui mais il accélérait toujours jusqu’à ce qu’il disparaisse de la vue d’Ored qui était en tête. Ce dernier s’arrêta net en entrant soudainement dans une petite clairière au détour d’un énorme buisson. Elle ne faisait pas plus de cinq mètres carré et un trou à taille humaine s’enfonçait dans le sol juste sous un rocher de plusieurs tonnes.

-Il est entré là-dedans ? demanda Areda qui était sur ses talons.

-Il y a des chances, déclara simplement Ored en contournant le trou pour aller chercher quelque chose sous le rocher pendant que les autres pénétraient dans la petite clairière.

Areda le laissa revenir avec une petite boite couverte de poussière, de feuilles et de brindilles qui avait été dissimulée rapidement et avait laissé entrevoir son armature de métal. Le Prince sembla hésiter à l’ouvrir. Il s’agissait d’une boîte en bois de facture modeste. Elle ne présentait aucun sceau et aucun symbole permettant de l’identifier. Mais il était clair qu’elle avait passé de long mois dehors. Ored se décida finalement à soulever le couvercle. Mais Erwan poussa Areda et Dul pour se placer entre eux, l’air paniqué :

-Qu’est-ce que vous faites ? C’est pas le moment, nous devons retrouver mon frère, il est sûrement en danger ! Il faut descendre là-dedans !

-Si cette boîte nous permet d’en savoir un peu plus sur ce qui nous attend, il vaut mieux mettre toutes nos chances de notre côté, siffla Areda avec un air menaçant.

Ored finit donc par ouvrir la boîte. Ils furent déçus. Elle ne contenait pas grand-chose si ce n’est quelques babioles sans valeur et un morceau de parchemin. Le prince se saisit tout de même de ce dernier, laissant à l’intérieur un pendentif rouillé, deux boutons en argent noirci, une vieille fiasque, une boucle de ceinture et une mèche de cheveux attachée par un ruban. Ored donna la boite à Areda et déroula le parchemin, il était recouvert d’une écriture maladroite et bourrée de fautes et de taches, signe qu’il s’agissait de quelqu’un qui avait suivi de petites leçons d’écriture mais sans plus. Le jeune homme lut les quelques lignes qui n’avaient pas été déchirées mais qui avait été largement abimées par le temps et l’humidité :

« Je pensais …ment que je pouvais tr…ver un trésor der… en réalité je n’ai p…nicher que quelq…bjets personnels sur ces statues. …bole sur le mur est celui … Bale. On m’a raconté une his… sur une armée mais je n…rois pas, ils ont juste … gardé pour eux… »

-L’armée de Bale ? chuchota Ored.

Mais il fut tiré de ses pensées par un cri perçant.

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Le Conteur

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Partie 6 : La guerre pour la vie… et la mort.


Ored mis précipitamment le parchemin dans sa poche alors que tous se tournait en direction du cri : le trou. Erwan se précipita à l’intérieur sans attendre les ordres de ses ainés.

-Erwan attend ! Ce cri n’était pas humain !

Mais le garçon ne l’entendit pas. Consternés, les quatre hommes le suivirent dans les ténèbres. Ils pénétrèrent ainsi dans un tunnel étroit, creusé laborieusement et maladroitement. Ils avancèrent dans le noir durant quelques minutes, le sol semblait descendre progressivement, puis la pente remontait. Ils marchaient ainsi avec prudence, lentement pour parer d’éventuels problèmes. Au bout de quelques minutes le tunnel s’élargit soudainement. La terre fit place à la pierre alors qu’une faible lueur éclairait une toute petite salle circulaire et basse de plafond. La lueur semblait battre dans… d’épaisses branches de lierre ! Les membres de la Garde ne comprenaient pas comment la plante avait pu vivre ici et surtout grandir à ce point jusqu’à émettre cette faible lumière verte qui se diffusait dans les branches à un rythme régulier, comme le battement d’un cœur.  

Il n’y avait pas traces des deux garçons. En revanche, il y avait d’autres morceaux de parchemins étalés sur le sol. Ored se détourna du spectacle étrange et  se saisit de l’un d’eux :

« Cela fait maintenant plusieurs semaines que j’ai fini de creuser le tunnel qui m’a mené jusqu’à mon trésor. Mais il se passe quelque chose de bizarre : j’entends une voix. Elle me hurle de les libérer mais je ne sais pas comment faire. Peut-être faudrait-il les détruire, peut-être qu’elle arrêtera de me tourmenter, et peut-être que ce sera que je trouverai mon trésor. »

-Konna !

C’était la voix d’Erwan qui résonna dans la salle. Ored laissa le parchemin et se précipita avec les trois autres vers une percée creusée à même la roche d’où était venu l’éclat de voix. C’est Dul qui était entré en premier. Il s’arrêta net en entrant dans la nouvelle salle. Celle-ci était beaucoup plus grande que la première, et pour cause : elle contenait des dizaines de statues, et à côté de chaque statue se trouvait un homme, une femme, un enfant… tous se tenaient doits, les yeux fixant le vide devant eux, le visage inexpressif. Konna, quant à lui, était assis sur le sol et rampait en arrière comme s’il essayait de fuir la statue qui se trouvait devant lui, mais était bloqué par le mur derrière lui. Erwan le secouait en criant son nom pour le ramener à la réalité mais le jeune homme ouvrait des yeux horrifiés alors qu’il ne pouvait détacher le regard de l’homme de pierre.

Areda fendit le groupe et s’agenouilla devant le garçon terrorisé. Il lui saisit le visage et le força à le regarder dans les yeux.

-Reprend tes esprits, mon garçon, le somma-t-il en le fixant de ses yeux dorés, tu ne dois pas avoir peur, tu ne risques rien avec nous. Respire.

Les yeux écarquillés, Konna commença doucement à se calmer à mesure qu’il revenait à lui et qu’Areda lui parlait lentement. Une fois qu’il fut réellement calmé, le soldat l’aida à se lever en le soulevant par le bras et en le guidant vers leurs compagnons qui ne quittaient pas des yeux la scène surnaturelle.
-Tu as déjà entendu parler de ça ? demanda Areda avec un air dur.

-Jamais… répondit Ored.

Les paysans de tout âge et de tout sexe se tenaient toujours parfaitement immobiles à côté de chaque statue. Leurs yeux brillaient d’une pâle lueur bleue. Ored regarda la pulsation qui animait le lierre et les suivit du regard. Par-dessus les rangés de statues, il aperçut, au fond de la salle, un énorme… nœud ou s’entortillaient des milliers de branches. Le cœur de ce nœud brillait d’une lueur verte aveuglante.

-Qu’est-ce qu’il se passe ici, murmura Ored.

Soudain, une voix d’homme, lointaine et susurrante, résonna dans la caverne :
-Konna… dit-elle doucement. Konna…

Les quatre hommes et Erwan se tournèrent vers le plus jeune qui frissonna alors que la peur s’emparait à nouveau de lui.

-Konna… répéta-t-elle. Libère-nous, Konna… Libère nous…

Le garçon fit un pas en avant, mais Areda le saisit fermement par le bras.

-Non. Ne l’écoute pas, ne fait rien.

-Konna, tu dois nous libérer… cela fait trop longtemps que nous sommes prisonniers ici… Détruit la pierre…

-Qui êtes-vous ? Demanda Ored dont la voix résonna dans la salle. Pourquoi êtes-vous prisonnier ?

-C’est la forêt… souffla la voix. C’est la forêt qui nous maintient prisonniers de la pierre…

Ored avisa les dizaines de statues. Elles étaient toutes vêtues de la même manière : un uniforme militaire semblable au sien avec l’épingle aux trois éclairs.

-Ils viennent bien de Balle… murmura-t-il pour lui-même. Mais je ne connais pas ce bataillon.

-J’ai peut-être entendu parler de cette histoire, déclara Erwan. Les gens du village, pour faire peur aux enfants pour ne pas qu’on s’approche de la forêt, nous parlent souvent d’une armée qui a voulu la combattre au nom d’un roi qui voulait montrer au monde qu’il n’y avait pas de quoi en avoir peur. Cette armée a échoué. Peut-être n’en avez-vous pas entendu parler car elle serait tombée dans l’oubli, seuls les villages qui y sont proches se rappellent cette histoire honteuse que les Grands ont voulu caché.
-On m’a raconté cette histoire, en effet, répondit Ored. Mais ce n’était censé être qu’une légende.

La voix retentit à nouveau autour du groupe qui restait indécis sur la conduite à suivre.

-Méfiez-vous de la forêt… nous avons essayé de l’exploiter,  nous nous sommes rassemblés pour détruire les monstres qui l’habitent… elle nous a pétrifiés pour se protéger… elle se nourrit des terres alentour pour cela… nous sommes les soldats de Bale…  et ne sommes maintenant que des fantômes… elle a peur…  elle nous garde…  elle ne nous laissera pas partir…  sauf si la pierre qui nous maintient prisonniers est détruite…

-Et vous avez besoin des gens qui sont ici pour détruire cette prison ? Mais pourquoi maintenant ?

-L’un d’eux a ouvert la grotte, il y a maintenant plusieurs lunes…

-Konna ! S’écria soudain Areda.

Le garçon était debout près de la dernière statue libre et tenait dans sa main un morceau de bois solide et épais… comme tous les paysans hypnotisés, se rendit compte Ored ! Comme un seul homme, ils levèrent le bras qui s’abattit sur les statues. Un souffle soulagé retentit dans la pièce. La lumière verte devint soudain insoutenable et la terre se mit à trembler.

-Il faut sortir d’ici ! hurla Dul, je crois que la forêt n’a pas apprécié le geste !

Areda se couvrait le visage mais parvint à jeter un œil vers l’entrée de la caverne. Il écarquilla les yeux de surprise.

-On ne peut pas, dit-il stupéfait devant l’inéluctabilité de la situation.

Devant l’embouchure se tenait des dizaines de créatures sorties tout droit de mythes, qui empêchaient toute retraite. Ax, Dul, Erwan et Ored s’étaient tournés vers la sortie mais s’étaient arrêtés net en voyant les créatures qui se battaient pour venir protéger la forêt. Le Prince tira son épée.

-Nous devons essayer, cria-t-il tandis que le toit menaçait de s’effondrer, nous devons sauver le plus de personnes possible.

Les autres le regardèrent d’un air grave mais acquiescèrent, tirant également leurs armes. Les habitants, quant à eux, reprenaient doucement leurs esprits, regardant autour d’eux sans comprendre ce qu’ils faisaient dans cet endroit sinistre et pourquoi des rochers leurs tombaient dessus. La Garde attendit que les premiers approchent et attaqua. Le métal froid fendait de toute part, Ax était en tête et tentait une percée dans les rangs ennemis. Erwan était derrière et s’occupait de ceux que le groupe laissait échapper. Mais ils se rendirent vite compte d’une chose : les créatures ne les attaquaient pas, elles les évitaient ! Ils cessèrent progressivement leurs attaques et celles-ci se dirigèrent toutes vers le cœur, qui brillait d’un éclat d’émeraude, formant ainsi un mur autour de lui. Ils se rendirent alors compte que leurs épées n’étaient pas couvertes de sang comme elles auraient dû l’être.

-Des esprits ? se demanda Ored incrédule.

Erwan courut vers la sortie.

-Nous devons nous dépêcher ! Konna, tout le monde, vite !

Il se retourna tandis que le sol se remettait à trembler. Sans se faire prier les autres le suivirent, mais le lierre se tendit vers eux, attrapant ceux qu’il pouvait saisir. Ils coururent aussi vite que leurs jambes leur permettaient, essayant d’échapper au lierre meurtrier et aux roches assassines. Erwan ne réfléchissait plus, la peur lui donnait des ailes. Soudain, il commença à apercevoir la lumière irréelle de la forêt, signe que la sortie était proche. Il esquissa un œil derrière lui : le Prince et les membres de la Garde d’ Ored se battaient pour protéger les paysans qui se faisaient transpercer de toutes parts. Il vit au fond du tunnel que d’énormes rochers s’écrasaient au sol. L’effondrement progressait vers eux avec une vitesse folle, engloutissant tout ce qui se trouvait sur son passage. Erwan fit un pas vers eux. Mais Ored se tourna vers lui.

-Cours ! lui hurla-t-il. Erwan, cours !

Le jeune homme hésita, chercha son frère du regard mais il ne le voyait plus. Des larmes perlèrent à ses yeux. Mais il savait que rester ne servirait à rien. Areda, Dul et Ax tranchaient le lierre mais ils étaient déjà perdus : leurs membres étaient fermement maintenus par des branches qui s’enroulaient autour de leurs bras et de leurs jambes. Il secoua la tête, se tourna vers la sortie et courut. Certains paysans qui avaient pu y échapper le suivaient de quelques mètres derrière lui, ainsi qu’Ored. Haletant et trébuchant, il fit enfin surface. Mais lorsqu’il se retourna, il se retrouva seul.

Il tomba à genou et se prit le visage entre les mains. Il pleura ainsi pendant de longues heures, devant le trou maintenant comblé. Il finit tout de même par se relever et sortir lentement de la forêt. La nature recommençait déjà à reprendre ses droits maintenant que la forêt avait définitivement triomphé des hommes. Mais lorsqu’il rentra dans son village, personne ne crut à l’histoire qu’Erwan racontait. Ils le croyaient fou de chagrin ou alors rajoutaient simplement cet évènement au folklore de la forêt de Daedelos qui demeurait un endroit inconnu et mystérieux. Pour eux, il avait simplement vu un mirage. Ainsi, la disparition du Prince demeura un mystère, l’histoire d’Erwan une légende.

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