Partie 2 : L’Empire est à nos portes !
L’Empire Kissam était à leurs portes, convoitant ardemment les richesses et le pouvoir de la cité d’Hydradès. Cela faisait des semaines que le Roi Lunne établissait les défenses de sa ville avec ses conseillers, mais personne ne semblait vouloir s’entendre sur un plan. Lunne voyait la peur et la panique dans leurs yeux. Jamais au cours des 500 ans d’existence de la ville, ils n’avaient dû essuyer pareil invasion. Plus de cent mille soldats, fortement entraînés et endoctrinés par l’Empire. Tous provenant de contrés différentes, et tous prêts à se sacrifier pour la puissance de Kissam. Face à cette invasion de grande ampleur, ils ne pouvaient compter que sur quinze mille soldats. Hydradès n’était pas une cité guerrière et des renforts provenant de Frahir-Kragal ne changeraient guère la donne. « De toute façon ces couards n’ont jamais eu l’intention de nous aider. Tant pis pour eux, il savent qu’après nous, l’Empire les engloutira eux aussi… »
Lunne grinçait des dents. L’agacement commençait à lui rougir les joues et ses doigts pianotaient inlassablement la table. Soudain, au milieu du brouhaha infernal qu’était devenue la réunion du Conseil, une voix grave s’éleva plus forte que les autres.
- Réveillons l’Hydradès.
Le silence s’installa dans la salle au fur et à mesure que chacun se rendait compte de la gravité des paroles prononcées. L’homme qui avait parlé se trouvait être le plus proche conseiller du Roi, Orgun, un homme grand, aux cheveux blonds lissés et au regard intelligent. Il ne bougea pas, et les regarda tous un par un, les défiant presque d’ouvrir la bouche pour contrer cette éventualité qui semblait être leur seul espoir.
- Allons, Orgun, mon garçon, auriez-vous perdu l’esprit ? demanda Typol, le vieil érudit, sur un ton calme mais dur. L’Hydradès n’est pas une créature à prendre à la légère et elle ne peut être utilisée qu’en dernier recours…
- Mais la situation n’est-elle déjà pas catastrophique ? Nous n’avons pas de soldat, si encore nous avions des murailles, nous aurions pu nous cacher derrière et vivre de nos cultures, comme nous le faisons toujours, mais ce n’est pas le cas, nous sommes piégés ! Vous comptez peut-être gagner avec quinze mille hommes contre cent mille sur un vaste terrain plat ? Avec quelles zones de replis ? Et quels supports ? Quels renforts ?
- Vous êtes fous ! cria le conseiller Kokal en se levant, furieux.
- Vous ne pouvez pas faire cela !
- Enfermez-le !
- Mais l’Empire est à nos portes !
La colère et la rage se fit encore plus forte, les conseillers se levaient pour pouvoir jeter leurs invectives plus aisément à la figure de leurs voisins. Le Roi Lunne n’avait pas bougé et semblait réfléchir intensément. Puis il se leva et frappa fortement sur la table pour ramener le calme et le silence.
- Fermez-la, tous ! hurla-t-il.
Surpris de la soudaine saute d’humeur de leur souverain à qui ça ne ressemblait pas, tous se retournèrent et se turent. Le conseiller Kokal se tordait les mains d’inquiétude.
- Notre loyal Orgun a peut-être raison. (Il leva la main pour faire taire les protestations naissantes) Mes amis, nous sommes dans une situation n’offrant que très peu d’échappatoire. Vous savez que notre Cité est en passe de tomber entre les mains de l’Empire Kissam. Or, si cela devait arriver, notre peuple perdrait tous ses droits et ses privilèges, il deviendrait esclave de l’Empire. Et notre culture et notre manière de vivre : tout cela disparaîtrait. Nos richesses tomberaient entre les mains d’un tyran, et la puissance du lac Miracle également. Il ne s’agirait pas seulement de la fin de notre Cité mais également de la fin de la liberté pour les Royaumes Humains restants.
» Nous avons tout essayé, et nous ne pouvons compter que sur nous-même. Le Roi Tell de Bel-Akhasse se terre derrière ses grandes murailles et Thurian se cache dans l’ombre de Tell. Les Elfes, neutres, ne sont pas près de quitter leur forêt adorée. Nous sommes seuls. Et pourtant, nous n’avons pas demandé son aide à notre allié le plus puissant. Celui qui a été créé pour notre sécurité. Celui-là même que nous craignons et adorons. Puisqu’il est notre dieu, c’est lui que nous devrions prier pour nous aider.
- Lunne, mon bon Roi, commença Typol, tu sais aussi bien que moi que l’Hydradès pourrait également causer notre perte. Pendant deux cents ans nous n’aurions plus aucun lien avec le monde extérieur. Il nous protégerait tu as raison ; contre toutes choses… C’est vrai. Mais nous serions repliés sur nous-même, nous faiblirions : une partie de nos cultures se trouve éloignée de sa zone de protection, nous importons certains aliments de l’extérieur. Au fur et à mesure nous tomberions dans une famine. Beaucoup d’entre nous voyageons, et nous accueillons un grand nombre de visiteurs. Notre monde se réduirait. Mais plus important encore, l’Hydradès a été créée pour détruire, et elle possède un certain libre arbitre. Roi Lunne, tu sais qu’il faut un sacrifice pour la réveiller et tu sais que plus ce sacrifice est important, meilleures seront nos chances qu’elle accepte de nous aider. Et si ce n’est pas le cas…
- C’est nous qu’elle engloutira, termina Lunne. Nous lui disons quoi faire et elle accepte si notre cadeau lui plait. Dans tous les cas, je préfère cela que de tomber aux mains de l’Empire.
Les visages étaient graves et Lunne voyait que la perspective de se retrouver dévoré par une créature immortelle ne les enchantait guère. Mais il s’agissait pour lui de la seule option.
- Messieurs, le sujet est clos. Demain, nous réveillerons l’Hydradès.
Des murmures de frayeurs parcoururent l’assemblée pendant que le Roi tournait les talons. Alors qu’il allait passer la porte, Kokal lui attrapa le bras.
- Votre majesté, je vous en supplie, ne faites pas cela ! bredouilla le conseiller. La peur se lisait dans ses yeux écarquillés. Qui allez-vous sacrifier et pour quel résultat ?
- Ne vous en faites pas Kokal, tout ira bien.
- Je suis sûr que non.
Le sourire bienveillant qui s’était dessiné sur les lèvres de Lunne disparut. Kokal était bien trop effrayé et il le regardait avec des yeux fous. Sa dernière phrase sonnait comme une prophétie aux oreilles du Roi. Mais sa décision était prise. Il retira la main du conseiller qui lui enserrait toujours le bras et se détourna de lui. Lorsqu’il s’éloigna dans le couloir, il entendit les sanglotements de Kokal.